4e Journée de la Finance Intégrale : un dynamisme, une espérance !

1er septembre 2025

Le Théâtre de la Madeleine à Paris devient le lieu, année après année, où se retrouvent celles et ceux qui sont intéressés par la Finance intégrale. C’était le 20 mai dernier et nous étions 350, dans la joie de se retrouver ou de faire connaissance, de se former et de s’informer, de partager et de contribuer ensemble au bien commun. A chaque fois la Doctrine sociale de l’Eglise est cette lumière qui permet d’éclairer d’une autre manière, plus profonde et plus durable, les enjeux de la vie économique et financière.

Trois séquences ont structuré cet événement.


Première séquence : Approfondissement des thèmes clés

Une première pour approfondir trois thèmes, en lien avec la rédaction du guide pratique de l’investissement intégral : la gouvernance (présentée par Olivier de Guerre), les produits et les services (présentés par Xavier de Lestrange et Maxence des Boscs), et la place de la famille dans l’entreprise qui a fait l’objet d’une table ronde, modérée par Dr. Elisabeth Gressieux, où le Professeur Jean-Didier Lecaillon, Pierre de Lauzun, Sharon MacBeath, Aude Grant et Arthur Gir ont eu des échanges très riches manifestant combien l’apport de la Doctrine sociale de l’Eglise est spécifique en cette matière. Il s’agit maintenant de s’engager afin de rendre cet apport accessible au monde de l’entreprise.


 

Deuxième séquence : Actualités de la Finance intégrale

Une deuxième séquence a porté sur les actualités de la Finance intégrale. De nombreux intervenants sont montés successivement sur scène pour présenter une mise en œuvre concrète de Mensuram bonam dans l’investissement financier (Sylvain Chareton), une méthodologie pour passer de la performance financière à la performance durable, financière et ESG (Olivier Chevreau), l’avenir des Cahiers Pro Persona (Don Jean-Rémi Lanavère), le développement du parcours de formation à la Finance intégrale (Stanislas de Quénetain, Arthur Gir, Antoine Tayolle), les projets des alumni de cette « formation » (Anne-Frédérique Cabasset, Patrice Hiddinga), l’Institut des Hautes Etudes de Finance Religieuse (Jean-Baptiste de Franssu). Ces quelques initiatives, parmi d’autres, montrent la vitalité de la Finance intégrale et sa volonté d’innovation.


 

Troisième séquence : L’IA et la dignité de la personne humaine

La troisième séquence était entièrement consacrée à l’IA et à la dignité de la personne humaine. Elle était bien située dans l’actualité de l’élection du Pape Léon XIV, lequel a affirmé qu’une des raisons pour laquelle il avait choisi ce nom, est qu’il veut se mettre résolument à la suite de Léon XIII, le grand pape social qui a dû accompagner la révolution industrielle à la fin du XIXe siècle et qui a publié la première encyclique Rerum Novarum (qui signifie « au sujet des choses nouvelles) en 1891. Léon XIII était alors confronté à la nouveauté de la révolution industrielle et à ses conséquences sur la dignité de la personne humaine. Léon XIV est conscient d’être, lui aussi, face à une révolution, technologique cette fois-ci, celle opérée par l’IA, laquelle va continuer d’apporter des bouleversements sociétaux+. Dès les premiers jours de son Pontificat, Léon XIV s’est engagé à accompagner le défi immense que représente l’IA pour l’avenir de l’humanité et, pour ce faire, à mettre à disposition la richesse de la Doctrine Sociale de l’Eglise : « Aujourd’hui l’Eglise offre à tous son héritage de doctrine sociale pour répondre à une autre révolution industrielle et aux développements de l’intelligence artificielle, qui posent de nouveaux défis pour la défense de la dignité humaine, de la justice et du travail » (Discours du 10 mai 2025 au Collège des Cardinaux).

Dans cette perspective, cette troisième séquence fut une soirée passionnante introduite de main de maître par Sylvain Duranton, directeur monde de BCG X, qui est l’entité IA du BCG qui comprend 3000 ingénieurs et data scientist, présents dans 50 pays, lesquels élaborent des solutions IA sur mesure pour les grandes entreprises. Son intervention très concrète a souligné les défis et les enjeux de l’IA et a permis ensuite des échanges très instructifs, lors d’une table ronde modérée par Dr Elisabeth Gressieux, à laquelle ont participé Laetitia Pouliquen, Etienne de Rocquigny, Romain Lavault et Marie David, tous experts de l’IA.

Ces échanges ont montré qu’une normative est nécessaire pour encadrer l’IA, dans sa conception et dans son usage, afin d’établir les justes limites à son déploiement, car aucun développement ne peut être qualifié de progrès s’il porte atteinte à la dignité et au bien de la personne humaine. Il faut en effet bien avoir à l’esprit que toute innovation n’est pas nécessairement un progrès. L’IA est bien sûr une innovation, mais elle n’est un progrès que lorsqu’elle apporte un vrai « plus » pour la personne humaine et toujours dans le respect de sa dignité. 


L’exigence d’une éthique amie de la personne humaine

Sylvain Duranton a bien souligné les domaines dans lesquels l’IA peut être un vrai progrès, en particulier la santé et l’éducation. Pour autant, la normative ne suffit jamais. Il faut encore une véritable éthique et une éthique amie de la personne, selon la formule de Benoît XVI, qui est particulièrement adéquate dans le contexte de l’IA : « Pour fonctionner correctement, l’économie a besoin de l’éthique ; non pas une éthique quelconque, mais d’une éthique amie de la personne ». Il ajoute un peu plus loin : « il est bon d’élaborer aussi un critère valable de discernement, car on note un certain abus de l’adjectif « éthique » qui, employé de manière générique, se prête à désigner des contenus très divers, au point de faire passer sous son couvert des décisions et des choix contraires à la justice et au véritable bien de l’homme » (Caritas in veritate n°45). Donc pas une éthique quelconque, pas un vernis non plus, mais une éthique qui soit véritablement amie de la personne humaine et de sa dignité. Il y a un enjeu majeur à ce qu’elle soit positionnée au bon niveau, sans quoi elle peut conduire à de terribles fourvoiements.


Le défi civilisationnel de l’IA : être plus pleinement humain

Tout cela est très exigeant, mais absolument nécessaire. Il faut y ajouter encore une autre exigence qui semble être un défi de civilisation très enthousiasmant. L’IA, sans le vouloir, pousse tous les humains, à être encore plus humains, plus radicalement humains, plus intégralement humains. Face à l’IA, il n’est plus possible d’être médiocrement humain. L’homme se doit d’assumer l’intégralité de son humanité et de développer ce qui fait le propre, le spécifique de son humanité. L’IA vient déjà revendiquer ce qui est propre à l’homme : son intelligence. Dans un avenir très proche, probablement déjà aujourd’hui, la technologie viendra revendiquer la capacité de l’homme à aimer, en lui offrant non seulement l’IA, mais aussi l’AA, l’amour artificiel. Et sous certaines formes, c’est déjà une réalité. Tout cela pousse l’homme dans ses retranchements et l’invite à un sursaut d’humanité. Non pas aveuglément réactif qui viendrait rejeter purement et simplement l’apport de la technologie, mais un sursaut véritablement qualitatif. Le défi civilisationnel que suscite l’IA, encore une fois sans le vouloir, c’est l’amélioration de la qualité vraiment humaine de la personne humaine : que l’homme soit plus pleinement homme. C’est un défi qui mérite d’être relevé, et par chacun.

L’importance des vertus face à l’IA

Pour approcher l’IA, d’une manière ou d’une autre, la qualité de mon humanité doit donc être enrichie et déployée. Si je suis un investisseur dans l’IA, si je suis un ingénieur du BCG X, si je suis un dirigeant d’entreprise qui intègre des solutions IA dans son business model, si je suis un élu à Paris ou à Bruxelles qui doit légiférer sur l’IA, si je suis un simple utilisateur de l’IA, dans tous les cas, je dois convoquer l’intégralité de mon humanité. Cela commence par interroger mon intelligence, susciter mes capacités de réflexion, de discernement, mais je dois aussi recourir aux vertus. Face à l’IA, je ne suis pas démuni : j’ai les vertus de prudence (discerner ce qu’il est bon de faire), de justice (rendre à chacun ce qui lui est dû), de force (m’engager résolument pour le bien), de tempérance (me réguler afin d’être ajusté au bien). J’ai aussi la foi, l’espérance et l’amour qui me donnent une vision de Dieu, de l’homme et de la vie en société. L’éducation aux vertus devient un enjeu majeur pour que je sois vraiment libre et capable de jouer mon rôle, en particulier dans mon rapport à l’IA.

Merci à tous les intervenants de la 4e Journée de la Finance Intégrale et en route pour la 5e qui aura lieu le 5 mai 2026 au Théâtre de la Madeleine à Paris.

Pascal-André Dumont +prêtre
Assistant général de la Communauté Saint-Martin
Président d’Ora et Labora